Fer Faut-il supplémenter ?

Lors des bilans alimentaires que je peux effectuer je rencontre souvent des excès importants d’apports en fer ajoutés lors de complémentation, voire même des propriétaires donnant par exemple du R……. pour doper la forme de leur cheval… j’ai donc décidé d’apporter quelques précisions sur le sujet.

Le fer est essentiel à toutes formes de vie : aucune vie végétale ou animale n’est possible sans lui puisqu’indispensable à la fabrication de l’hémoglobine (transporteur de l’oxygène). Il est également symbole de force (cf Popeye et les épinards !).

Le fer se retrouve sous 2 formes : circulant et stocké en réserve :

  • Circulant : érythrocytaire (hème) et plasmatique lié à la transferrine
  • Stocké : dans la ferritine

La plus grande réserve se trouve dans le foie. La moelle osseuse et les cellules de l’intestin en renferment également. Le fer héminique entre dans la composition de l’hémoglobine (myoglobuline dans les muscles) alors que le fer non héminique est présent dans certaines enzymes et correspond aux formes de transport (transferrine) et de réserve du fer (ferritine).

Quand les globules rouges meurent, le fer de l’hémoglobine est récupéré et réutilisé pour fabriquer de nouvelles cellules sanguines. Ce fonctionnement en circuit fermé exclu normalement une carence en fer.

Les fourrages étant très largement pourvus en fer, la majorité des chevaux voient leurs apports largement couverts.

Il faut savoir que le fer est extrêmement réactif et pro-oxydant. Les compléments et aliments chevaux sont souvent enrichis en fer. Si celui que l’on trouve dans les végétaux est beaucoup moins pro-oxydant, le fer ajouté sous différents types de sels, lui, peut être très agressif. Le stress oxydant occasionné va surconsommer la vitamine E (qui a une action antioxydante). Cette vitamine est possiblement déjà déficitaire. Cela peut donc prédisposer ou accroitre indirectement des risques de pathologies neuromusculaires (par carence en vitamine E).

Lorsqu’un bilan fait suspecter une anémie, il est facile de penser à un manque de fer. Or une anémie peut également être causée par un déficit en une ou des vitamines du groupe B et notamment en B9, B12 ou B6. Il est donc important de vérifier qu’il s’agit bien d’un manque de fer avant de supplémenter.

Attention également à la vitamine C ajoutée dans les compléments qui augmente la biodisponibilité du fer. Le cheval a la capacité de produire lui-même sa vitamine C les ajouts sont en général inutiles.

Un excès de ce minéral peut être toxique (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30269378/) et conduire à la déshydratation, diarrhées, insulino-résistance (qui peut conduire à terme à la fourbure), et le risque d’infection bactérienne. Un excès de fer interfère également avec l’absorption du cuivre, le zinc, le manganèse et peut ainsi conduire à une fragilité immunitaire.

Une ferritine peut être élevée en cas d’inflammation, pathologie. Pour apprécier il faudra regarder la transferrine, le coefficient de saturation mais également d’autres paramètres et état du cheval. En effet lors d’une agression de l’organisme celui-ci va se protéger en mettant en réserve le fer (via une protéine produite par le foie qui régule les niveaux de fer circulant appelée hepcidine https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32557515/) qui pourrait être utilisé par les bactéries pour croitre. Supplémenter en fer serait alors contreproductif, pro-oxydant et pro-inflammatoire et risquerait d’augmenter l’infection.

Fer et insuline

Bien qu’il ne soit pas identifié si un taux élevé de ferritine augmente l’insuline ou inversement, il est toutefois établi qu’un excès de fer a un impact sur l’augmentation de l’insuline et la résistance à l’insuline. Il y aurait également une réduction du processus de capture du glucose au niveau musculaire. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32042647/)Cette augmentation de l’insuline/résistance va conduire possiblement à une prise de poids, voire une fourbure. Chez les chevaux en surpoids, insulinorésistants, qui ont déjà fait une fourbure ou souffrent d’un cushing il sera nécessaire d’éviter les suppléments/aliments contenant du fer ajouté en dehors des fourrages.

Il peut toutefois y avoir un risque de carence en fer lors de saignements occultes, le plus fréquent chez le cheval est la présence d’ulcères surtout s’ils sont nombreux et importants.

 

Donc avant de supplémenter en fer, il sera préférable de faire un dosage sanguin du bilan martial (fer, ferritine, transferrine et coefficient de saturation). Si la ferritine est très basse cela peut indiquer une possible anémie ferriprive (excepté pendant la gestation où il y a une hémodilution physiologique). Penser à vérifier les certaines vitamines du groupe B également. Et si anémie ferriprive avérée il faudra également voir la cause avec votre vétérinaire.

 Regardez bien les étiquettes, pas de supplémentation à l’aveugle et n’hésitez pas à faire analyser l’alimentation de votre cheval avec l’aide d’un professionnel si besoin ou rapprochez-vous de votre vétérinaire.

Veronique Chouteau sur son cheval

Véronique Chouteau
naturopathe, nutrithérapeute animalier
vous accompagne et vous conseille pour le bien-être de votre animal à travers ses articles.